La Marelle chante Ronsard : le poète revisité

Le 21 septembre, le chœur de la Marelle a présenté pour la première fois son nouveau concert intitulé 1524-2024 – Élégies, odes et sonnets : Ronsard en chœur. Ce programme s’articule autour de cinq compositions originales, mettant en musique des poèmes de Ronsard. Rencontre lors de la dernière répétition avec trois des cinq compositeurs.

« Mignonne, mignonne, Allons voir si la rose… » Dans l’air doux de ce dimanche ensoleillé de septembre, une mélodie aux paroles familières s’échappe par la porte ouverte de la salle polyvalente de Noyers-sur-Cher. C’est jour de répétition pour le chœur de la Marelle. Dans moins d’une semaine, la trentaine de choristes chantera devant son public. L’ambiance est détendue, mais studieuse. Et pour cause. Aujourd’hui, c’est la dernière ligne droite d’un travail amorcé depuis le printemps avec cinq compositeurs français. Trois d’entre eux sont là, Geoffroy Dudouit, Raphaël Terreau et François Branciard. Un quatrième a rendez-vous en visio avec le chœur à midi, Aurélien Hallopeau. Il succède au cinquième, Jean-Christophe Rosaz, qui a déjà réussi la veille l’exercice du distanciel.

Sous la houlette de Raphaël Terreau, le chef de chœur et compositeur à l’initiative du projet, les chanteurs ajustent leurs intonations et leurs intentions en fonction des remarques des auteurs. En cette fin de matinée, Geoffroy Dudouit leur fait répéter le célèbre sonnet de Ronsard qu’il a mis en musique. Face aux chanteurs et chanteuses, il s’interrompt régulièrement. Ici, pour caler le départ de l’une des voix. Là, pour fortifier l’énergie vocale de certains passages. « J’aimerais réentendre les dames, on reprend mesure 5 : la rose… », demande-t-il, avant de reprendre avec les hommes à « Mignonne ». « Tonique, sans s’énerver, interrompt-il. Oui c’est mieux, mais attention à ne pas être mou non plus ! »

Du poème à la création

Imaginé par Raphaël Terreau il y a plus d’un an, ce projet célèbre les 500 ans de la naissance de Ronsard au château de la Possonnière, dans le Vendômois. « À ma connaissance, il n’existe pas de musique polyphonique depuis le XVIème sur les poèmes de Ronsard, explique le chef de chœur, qui dirige le chœur de la Marelle depuis 2008. J’ai donc lancé un appel auprès de compositeurs afin de créer des pièces originales adaptées à un chœur amateur. » Trois ont manifesté leur intérêt pour écrire sur ce thème en plus de lui-même.      

Sélectionnée en tant que Coup de Chœur du Cepravoi pour 2024, cette commande d’écriture débute bien entendu par la recherche des textes. « J’ai eu la chance de trouver, au hasard d’un recueil de poésies choisies, une élégie écrite par Ronsard à la fin de sa vie », raconte François Branciard, inspiré par cette pièce peu connue, sombre et nostalgique. Ce texte original — l’élégie Contre les bûcherons de la forêt de Gastine—, s’élève déjà à l’époque contre la déforestation. De son côté, peu séduit par le répertoire de poèmes d’amour courtois de l’auteur, Geoffroy Dudouit choisit de reprendre Mignonne, allons voir si la rose, l’ode la plus célèbre de Ronsard, pour la détourner. « J’ai structuré une nouvelle rythmique, joué avec les syllabes aux noms de notes, « mi, si, la », omniprésentes dans le poème et proposé une autre tonique, avec une pointe d’humour décalé », détaille-t-il.

Raphaël Terreau n’a pas hésité : « Étant chefs de chœur également et connaissant déjà la Marelle, je savais qu’ils me proposeraient des compositions adaptées aux possibilités des choristes. Par exemple, François, tu te mets à la place des chanteurs pour créer des compositions ergonomiques… » Le compositeur confirme cette attention : « Je cherche des mélodies familières, avec des enchaînements et des intervalles qui passent bien, naturels et fluides. Et les dissonances sont amenées de manière douce ! » A ces deux pièces, une composition de Jean-Christophe Rosaz vient s’ajouter, et une autre, du chef lui-même, Raphaël Terreau.

Mais l’aventure ne s’arrête pas là. Par une rencontre fortuite, Le jour pousse la nuit d’Aurélien Hallopeau, compositeur originaire du Vendômois et fraîchement primé au concours Festyvocal vient compléter le programme. Elle correspond au thème, elle est accessible pour les choristes, et l’équation est toute trouvée : 500 ans, 5 siècles, 5 pièces.

Une vraie rencontre artistique

Après réception des œuvres, c’est Raphaël Terreau qui entre en scène. Avec seulement trois mois pour préparer les concerts, le défi de présenter un travail abouti est de taille ! D’autant qu’à l’apprentissage des cinq opus s’ajoute celui de huit pièces anciennes, composées il y a cinq siècles par des contemporains de Ronsard. « Habituellement, nous avons plus de temps : là, il faut faire vite ! » Après deux week-ends au printemps et un stage d’été d’une semaine, pour les choristes comme pour les compositeurs, cette session de travail conjoint est un temps unique et rare. « C’est une vraie chance pour nous de pouvoir entendre la parole de celui qui a créé la pièce que l’on chante », témoigne Sylvie, l’une des mezzos, entre deux chants. Ce temps de répétition avec les compositeurs, Raphaël Terreau y tient particulièrement. « Cela donne une valeur ajoutée à ma démarche, en challengeant les choristes. C’est aussi un moment de partage, d’écoute et parfois de remise en question de mes indications… C’est excitant ! »

Pour les compositeurs, entendre pour la première fois leur pièce chantée est un réel plaisir. « Après le travail au logiciel, entendre les vrais timbres de voix, c’est génial, s’enthousiasme Geoffroy Dudouit. Mais c’est aussi utile de voir ce qui n’est pas compris et de pouvoir préciser les indications au besoin… » Un avis que partage François Branciard, qui apprécie de prendre conscience des passages difficiles pour le chœur et de pouvoir ajuster certains détails d’interprétation. « Mais après cette journée, il faudra que nos pièces vivent leur vie », sourit Geoffroy Dudouit. Et c’est bien ce qu’elles feront à l’avenir, à travers les futurs concerts du chœur de la Marelle !

Le programme 5 siècles, 5 pièces :

  • Allons voir Si La* – Geoffroy Dudouit
  • Le jour pousse la nuit  – Aurélien Hallopeau, commande du choeur Kaleïvoxcope
  • Quand vous serez bien vieille* – Raphaël Terreau
  • Sonnet à Marie* – Jean-Christophe Rosaz
  • Élégie contre les bûcherons* – François Branciard
    * commandes de La Marelle

Un article de Juliette Cottin

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