L’Ensemble vocal Praxinoë passe commande à la compositrice Francine Guiberteau.

Trois Miroirs de la lumière divine, une création musicale inspirée de l’œuvre d’Olivier Messiaen et composée par Francine Guiberteau, sera créée par l’Ensemble Vocal Praxinoë en 2021.

Rencontre avec Sébastien Durand, professeur agrégé d’éducation musicale, docteur en musicologie, organiste, chef de chœur et chef d’orchestre. Il dirige l’Ensemble vocal Praxinoë, il est également enseignant co-responsable du CFMI* de Tours et Président du Florilège Vocal.

Vous occupez une place importante dans le paysage musical de Tours. Qu’est-ce qui vous a fait quitter l’Est de la France pour venir jusqu’en Touraine ?

J’ai en effet été formé au Conservatoire de Nancy et j’ai eu le privilège d’être l’un des derniers élèves de Pierre Cao en direction de chœur au conservatoire de Luxembourg. 

J’ai étudié la trompette, l’orgue, le chant et la direction de chœur et d’orchestre à Nancy. J’ai tout d’abord enseigné en collège et en lycée ainsi qu’à l’université de Strasbourg, puis Je suis arrivé à Tours pour prendre le poste de co-responsable du CFMI. Je partage mon temps entre des missions de direction et d’enseignement. Et j’ai créé en 2018, Praxinoë, avec plusieurs amies chanteuses, dont quelques collègues et anciennes étudiantes.

C’est un jeune chœur composé uniquement de femmes de très bon niveau, toutes musiciennes de bon niveau. Nous interprétons un répertoire peu connu, qui nous permet de visiter ensemble des territoires sonores nouveaux.

Qu’est ce qui a motivé votre choix de commander une œuvre et en particulier à la compositrice Francine Guiberteau ?

Elle m’a été présentée par un ami. Elle est organiste titulaire de l’église St-Pierre-de-Montsort à Alençon et elle a enseigné l’écriture au conservatoire du Mans. Elle est l’auteur de pièces vocales et instrumentales, ainsi que de plusieurs œuvres pour orgue. 

Son univers est très inspiré par l’œuvre d’Olivier Messiaen qui fut son professeur au Conservatoire de Paris et notre prochain concert rendra hommage au compositeur kinesthète, qui disait de la musique qu’elle est « un perpétuel dialogue entre l’espace et le temps, entre le son et la couleur ». Nous célèbrerons l’anniversaire de sa mort dans notre prochain programme qui sera donné en 2022. 

Comment avez-vous organisé la collaboration avec Francine Guiberteau ?

Nous avons eu plusieurs échanges à distance, puis j’ai eu la chance durant l’été, de travailler avec elle la pièce qu’elle a composé pour nous. Pour l’instant, son état de santé et les conditions sanitaires compliquées n’ont pas encore permis qu’elle rencontre le chœur. Nous lui avons donné carte blanche. Elle a choisi des textes d’Hildegarde von Bingen, des poésies de d’Arthur Rimbaud et des textes de la philosophe Simone Veil. Ces textes magnifiques sont mis en valeur par une écriture harmonique et homorythmique : toutes les voix chantent le même mot en même temps, ce qui rend le texte parfaitement audible. Ce qui n’empêche pas l’écriture de prendre des directions plus contrapuntiques sous forme de dialogues dans certains passages de cette pièce.

Nous sommes tous très heureux de l’œuvre qu’elle a composé pour nous. C’est une musique très modale, qui utilise ses propres couleurs d’accords. 

Revenons quelques instants à Joséphine Boulay, une compositrice aveugle qui fut mise à l’honneur par Praxinoë en 2018 lors du concert Cantus Luminis. Vous semblez porter un intérêt particulier aux musiciens aveugles …

En effet, je suis chercheur et ma thèse* porte sur les musiciens aveugles. 

On peut se demander pourquoi de nombreux musiciens virtuoses sont non-voyants, des organistes en particulier. 

Il se trouve qu’au XIXe siècle et au début du XXe, l’INJA (Institut National des Jeunes Aveugles) dispensait un enseignement général et une formation musicale de haut niveau aux enfants aveugles. Il s’agissait de trouver une voie professionnelle pour ces jeunes personnes et la musique, particulièrement l’orgue, était parfaitement adaptée. Malgré leur handicap, certains de ces artistes ont réussi à accéder progressivement au statut de virtuoses et de compositeurs. Ces jeunes élèves faisaient l’objet d’une attention particulière de la part des professeurs du Conservatoire de Paris, car ils y repéraient de jeunes talents extrêmement assidus et bien formés. 

Joséphine Boulay fut l’une d’entre elles. Aveugle dès l’âge de trois ans, elle a bénéficié de cet enseignement de grande qualité. Elle fut repérée par César Franck lors d’une audition, ce qui lui a permis d’intégrer le Conservatoire de Paris, en classe d’orgue. Elle a poursuivi ses études musicales avec Charles Lenepveu, Jules Massenet, Gabriel Fauré et a collectionné les premiers prix : orgue, composition, harmonie !

Peut-on observer une différence entre les musiciens voyants et non-voyants ?

Je pense que l’on peut affirmer que le potentiel de concentration et de mémorisation est supérieur chez les non-voyants, ce qui rend la spacialisation de la musique plus intense.

Avez-vous commencé le travail avec les chanteuses de Praxinoë?Les chanteuses travaillent la partition chacune de leur côté. L’ensemble est composé de jeunes femmes qui viennent de régions différentes et certaines ont regagné leurs contrées. Nous sommes donc à la recherche de quelques nouvelles chanteuses et sommes dans l’attente, comme tout le monde, de conditions sanitaires plus favorables pour poursuivre le travail et monter notre nouveau programme. 

Plus d’infos :
En savoir plus sur Praxinoë : 
www.praxinoe.fr
ensvocpraxinoe@gmail.com
Vous voulez rejoindre l’ensemble?
Contacter Sébastien Durand
ensvocpraxinoe@gmail.com 
tel : 06 15 95 09 36

*CFMI : Centre de Formation des Musiciens Intervenants

* Les aveugles et l’école d’orgue française : un siècle d’orgue à l’I.N.J.A. (1820-1930) : contribution à l’histoire de l’orgue en France du postclassicisme au néoclassicisme par Sébastien Durand.

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