Libérer la voix et le corps par le jeu
Rencontre avec Mathis Capiaux
Chanteur, membre du groupe vocal Ommm, coach vocal, professeur de chant et chef de chœur, Mathis Capiaux est tout cela à la fois. En ce qui concerne la pratique collective, elle n’est pas seulement au cœur de son parcours, elle est le siège de ses grandes émotions de chanteur. Les samedis 30 avril à Belleville-sur-Loire et 7 mai à Olivet, il animera le stage « À vous de jouer » pour partager son expérience et ouvrir la voie à un nouvel état d’esprit.
Quelles sont les expériences fondatrices qui vous ont amené jusqu’ici ?
J’ai commencé l’éveil musical à 3 ans puis ça ne m’a plus jamais vraiment quitté… Dès petit, j’ai été très sensible au fait de chanter ensemble grâce à des expériences mémorables. J’ai, par exemple, participé à un opéra sur le thème de La Petite Sirène sur un livret de Marguerite Yourcenar et une musique de Dominique Probst. Durant de nombreuses représentations à l’opéra de Massy, j’ai joué le page aux côtés de Caroline Casadesus. Je pense aussi à d’autres concerts très impressionnants comme les Carmina Burana où nous étions plus de 300 sur scène ! J’avais 12 ans, c’était magique et je savais que j’avais envie de revivre ça…
Quels mots traduiraient le mieux les émotions offertes par la pratique collective ?
Le premier mot qui me vient c’est « grisant ». Lors de ces expériences, je me souviens des papillons dans le ventre et de l’électricité qu’on avait tous dans le corps ! En formant des accords entre les différents pupitres, on sentait vraiment cette reliance, cette alchimie, cette magie de l’instant présent… Ce qui m’émerveille est inénarrable : ce sont simplement des moments de grâce et de connexion profonde entre les gens.
Quel est l’objectif des jeux brise-glace dans la pratique chantée collective ?
Les brise-glace sont une forme de préparation qui n’est pas que physique, ils font aussi appel à la concentration, la mémoire ou encore la coordination. En fait, l’objectif se situe davantage dans la recherche d’un certain état d’esprit où « on est musique ». Le jeu permet d’atteindre cet état de conscience stimulant où le mental est mis de côté pour nous permettre de juste « être » et « ressentir ».
Les brise-glace sont des jeux et mouvements : quelle place occupe le corps ?
Quand on est chanteur, notre corps est 100% notre instrument : on est un corps-instrument. Certains courants pensent que l’échauffement du corps n’est pas nécessaire, que la technique vocale suffit. Je n’adhère pas à cette philosophie… Je crois qu’on a besoin d’établir la connexion la plus forte possible avec notre instrument pour le faire résonner au maximum, des orteils jusqu’au sommet du crâne. Car tous les endroits avec des tensions sont des endroits où le son va peu ou pas résonner…
Souvent, on dit que le dernier endroit auquel il faut s’intéresser quand on chante, c’est la gorge ! Si tout le reste du corps fait son travail, le larynx ne sentira pas de pression, ce sera équilibré.
Pour bien chanter avec les autres, il faut donc déjà être bien connecté à soi.
Les brise-glace, c’est sérieux ?
Je pense qu’on sous-estime l’intérêt de cette fenêtre où on s’autorise à jouer avec la joie ! En Occident, on a souvent perdu cette connexion au corps, aux émotions. Le mental analyse sans cesse et nous freine même dans certains processus. Très tôt dans notre éducation, les injonctions et constructions mentales cristallisent beaucoup de choses en nous. Les brise-glace sont là pour nous aider à retrouver une forme d’intelligence spontanée. L’interaction et le challenge permettent de réveiller l’enfant intérieur et de renouer avec cet état joyeux et stimulant indescriptible.