Alfredo Vaez rhabille les chœurs
Sans lever les yeux de sa machine à coudre, une robe de mariée à finir pour le lendemain, le couturier tourangeau Alfredo Vaez, qui ne cesse de courir, s’est laissé distraire quelque temps pour laisser son imagination voyager au son des chœurs, où l’unité de l’ensemble et la pluralité des personnalités se taquinent.
Un costume qui souligne la voix. Des corps, jeunes et moins jeunes, forts et minces, grands et petits, donnent la matière, les molécules d’un tissu, les couleurs qui nourrissent la créativité du peintre. « Il n’y a rien de plus ridicule que ce qui fait carnaval : il ne faut jamais que les gens aient l’air déguisés ». Le vêtement doit être un indicateur de sens et il faut éviter absolument d’habiller tout le monde de la même façon (sauf si tout le monde doit chanter de manière identique). Donner du sens, c’est aussi porter un vêtement qui correspond à sa personne, à son physique et à son tempérament. Il faut que l’ensemble soit joli et cohérent. Porter la veste à la bonne longueur, la jupe qu’il faut, le décolleté si la femme aime l’idée… Être bien dans ses vêtements, c’est déjà cela l’élégance, l’idéal étant de trouver la cohérence de l’ensemble en respectant la personnalité de chacun. « Le corps, c’est comme la voix en fait, on regarde comment il est fait avant de l’habiller. Je ne chante pas, mais je suis convaincu qu’être à l’aise et se sentir bien et beau dans ses vêtements, aide à bien chanter, à souligner sa voix ».
Le camaïeu, c’est comme la musique, ça monte en gamme.
Le vêtement doit donner à la fois une idée d’ensemble, de cohérence, d’identité, de justesse de style et doit mettre en valeur des personnalités singulières.
Si Alfredo approuve l’idée de l’accessoire de couleur, bijou, ruban, foulard, que certains choeurs déclinent, il encourage à aller plus loin, en jouant sur les teintes, les matières, et la façon de traiter l’accessoire (il y a de nombreuses façons de porter un foulard par exemple). « Le camaïeu de teinte permet de concilier l’idée de cohérence et de singularité. Je sais que les artistes n’aiment pas beaucoup le vert qui est pourtant une couleur très lumineuse et offre beaucoup de possibilités ». Imaginons un choeur, une quarantaine de personnes, qui déclinent toute la gamme d’une même teinte. « Le camaïeu, c’est comme la musique, ça monte en gamme, ça va à l’infini ». Évidemment, c’est plus difficile pour les hommes, rien ne ressemble plus à un costume de banquier qu’un costume de banquier. « Il faut abandonner l’idée du costume noir et de la cravate de couleur, trop conventionnelle ». On ne peut ignorer que le noir est pratique, passe partout et économique, tout le monde a quelque chose de noir. « Dans les boutiques, on met de la couleur pour vendre le noir. Si vous mettez une petite robe rouge en vitrine, la cliente va craquer, entrer et demander si elle existe en noir ! »
Un costume de scène pour oublier qui l’on est.
Le costume sert à faire joli, rendre cohérent mais aussi à transformer celui qui le porte. On entre dans la peau d’un artiste, on monte sur scène, on se donne en représentation devant des spectateurs. On se pose comme autre : « On enfile un costume qui nous fait oublier qui l’on est dans la rue ». Ce qui se passe sur scène bouge, change, évolue, du même coup, le costume peut suivre le mouvement : remplacer un objet par un autre, ôter un foulard, le porter différemment, ajouter une veste. « Évidemment, ce n’est pas défilé de mode, mais on peut travailler le côté scénique qui a pour effet de surprendre le public, de le solliciter, de faire évoluer ses attentes ». Il faut casser le rythme, la monotonie, créer du dynamisme. Respecter la personnalité et le profil de chacun exclut que « chacun fasse à sa sauce. » On peut créer des lots : six bas bleus, six accessoires… « J’aime le traitement par lot. C’est comme les fleurs. J’achète beaucoup de fleurs, mais je ne les mélange pas. Je les laisse par groupe ».
À faire soi -même :
Alfredo nous donne quelque exemple de « chic sobre, facile à réaliser que l’on peut faire à la maison » et qui pourrait parfaitement convenir aux chœurs. « Pour un petit côté « chanelisant », on peut imaginer du noir et de l’écru. Un petit côté couture année 30/40 ». Le couturier propose aussi un dégradé de prune et de gris. « Le gris est une bonne alternative, c’est doux, ça va à tout le monde. On peut aller du prune sombre au fuchsia lumineux, en fonction des types à habiller ». Alfredo revient sur l’idée d’une couleur unique, forte et propose de jouer sur les matières, les brillances : mousseline, lin, laine, paillette, lamé, tissage… « Le jeu de textures est hyper intéressant. Mais on reste sur l’idée que le choix de la matière est fait en fonction des corps des uns et des autres. La mousseline peut, par exemple, atténuer les rondeurs si on a envie de les atténuer ». La collection de Yohji Yamamoto toute en noire,
donne pourtant vraiment l’impression d’une variété extraordinaire car les tissus prennent la lumière de manière différente, une lumière que l’on peut aussi faire évoluer en fonction des éclairages.
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